L’image très dégradée dont souffre le pays ne saurait pourtant faire oublier son immense potentiel socio-culturel ; un potentiel qui pourrait tout à fait lui sourire à moyen terme.
Une décennie perdue
Il faut attendre les années 1990 pour voir se développer une industrie du tourisme en Iran. Dans les années 1980, luttant pour la stabilisation du régime installé dans le sillon de la Révolution de 1979 et accaparé par huit ans de guerre contre l’Irak, le pays se replie sur lui-même et consacre ses ressources à la défense de son territoire. Plusieurs années seront nécessaires pour réussir à rebondir. Mais à l’aube des années 2000, la situation laisse entrevoir des perspectives florissantes. “Même si l’Iran est une destination très culturelle qui ne s’apparente pas au tourisme de masse, le pays était devenu un secteur tout à fait honorable de notre programmation” se souvient Jean Pierre Respaut, directeur général de la société Clio. Sur une cinquantaine de pays proposés par l’agence de voyage, l’Iran fait alors partie des 10 destinations les plus prisées et bénéficie d’un fort “effet de rattrapage” après de nombreuses années d’impossible accès.
Guide et touriste - Bam
En tout, à cette période, les touristes Français auraient été plus de dix mille à visiter le pays chaque année en moyenne. Mais trois épisodes vont stopper nette cette lancée. En 2001, les attentats du 11 septembre marquent un premier coup d’arrêt brutal. Alors même que le pays se détache explicitement de ces événements et qu’il y oppose une attitude coopérative vis-à-vis des Etats-Unis, il se retrouve rapidement stigmatisé. Sa classification dans le camp de “l’Axe du Mal” par une administration Bush en mal d’invasions contribue à l’éloigner des destinations touristiques prisées.
Au milieu des années 2000, c’est encore du champ politique que provient le coup de sabre, mais c’est cette fois l’Iran qui se tire lui-même une balle dans le pied. En cause : son président, Mahmoud Ahmadinejad. Dès son arrivée au pouvoir en 2005, il multiplie les prises de position controversées. Les paroles qui lui sont rapportées (bien qu'ensuite dénoncées comme en partie faussées), telle la volonté qu’il aurait de “rayer Israël de la carte” ou son obsession du “mythe du massacre des Juifs”, lui vaut un puissant boycott international. De pressions diplomatiques en campagnes de lobbying, les acteurs gouvernementaux comme les prestataires privés se voient dissuadés de promouvoir leurs échanges avec l’Iran.
Depuis la France, au milieu de tensions diplomatiques déjà palpables, l’arrestation de Clothilde Reiss, étudiante accusée d’espionnage emprisonnée à proximité de Téhéran en 2009, est le coup de grâce. Le Ministère des Affaires étrangères décourage ceux qui en auraient encore l’idée de partir en Iran. De nombreux tours-operators qui proposaient des voyages sur place sont contraints de les suspendre par peur de voir leurs contrats d’assurances rendus caduques.
Isfahan
Les autorités iraniennes communiquent peu sur la fréquentation de leur pays par les touristes internationaux et il est difficile de dénombrer précisément ceux-ci. Entre voyages d’affaires, pèlerinages religieux, et simples voyages culturels, environ un million de personnes pénétreraient encore sur le territoire iranien chaque année. Au départ de la France, les voyages auraient été divisés par trois ces dix dernières années, au minimum.
Un rapport “qualité-prix” difficilement égalable
“Accuser l’Iran de tous les problèmes du monde a forcément une influence sur les préjugés des gens et donc sur le tourisme” se désole Marjane Saboori, directrice de l’Office du Tourisme de l’Iran à Paris, “nous sommes pourtant un pays très ouvert et extrêmement accueillant”. A la fin des années 2000, une politique active de revalorisation du secteur touristique a été menée par le gouvernement iranien: développement de représentations culturelles à l’étranger, agrandissement du parc hôtelier, entretien du patrimoine national.... Au total, quinze sites figurent désormais au patrimoine mondial de l’UNESCO. Un tiers d’entre eux n'apparaissent dans la liste que depuis ces trois dernières années seulement, et cinquante-quatre autres ont déjà été proposés par l’Etat iranien pour la rejoindre. “L’Iran est un pays extrêmement riche, sans aucun problème de sécurité, où il est très aisé de voyager, beaucoup plus que dans nombre de destinations pourtant plus banalisées” note ainsi Jean-Pierre Respaut, “son évolution touristique dépendra de son évolution politique”.
Persépolis
Le levier apparaîtra-t-il en juin prochain, lorsque le retrait de Mahmoud Ahmadinejad de la présidence évincera du même coup le trop-plein de mauvaise publicité qui lui est associée ? Ces prochains mois pourraient en effet bien voir l’Iran renouer avec une fréquentation touristique plus glorieuse. D’autant que l’endroit n’a jamais été aussi propice aux séjours. Plus prosaïquement, les questions politiques mises de côté, il semble que ce soit l’aspect économique qui puisse séduire les touristes dans un futur proche.
En mars, le journaliste américain Graeme Wood publiait sur le site The Atlantic un rapport de ses “vacances d’hyperinflation” passées sur l’île iranienne de Kish. Il y décrit par le menu le pouvoir d’achat décuplé par ses dollars en raison d’un cour du rial (la monnaie nationale) divisé par deux ou trois en quelques mois, suite aux sanctions économiques internationales. A Téhéran, un touriste français raconte aussi : “très concrètement, en passant plusieurs semaines ici, je perds moins d’argent que si j’étais resté à Paris”. Traverser le pays en bus pour moins de 10 euros, manger copieusement pour deux euros, et bénéficier de logements de bon standing à un prix rendu abordable permettent à l’Iran de jouer sur un tableau “qualité-prix” difficilement égalable ailleurs.
Désert du Lut
Pour peu que l’on puisse y rentrer. C’est ce qui freine Saounera, Parisien nouvellement chiite, qui s’étonne : “je rêve d’y effectuer un pèlerinage, mais je croyais qu’il était impossible d’obtenir un visa !”. La nécessité de fournir ses empreintes digitales, d’obtenir un numéro d’autorisation ou une lettre d’invitation d’une connaissance sur place rebute. “Dans les faits, il est extrêmement rare qu’un visa soit refusé” nuance Marjane Saboori, “tout ceci n’est que formalités, et réciprocités à la politique de fermeture de la France”. Pour un séjour sur place inférieur à deux semaines, le visa peut même être délivré à la descente de l’avion. Sauf tampon israélien ou passé personnel conflictuel avec l’Iran, difficile de s’en voir refuser l’entrée.
En plein voyage dans son propre pays, Alireza, fier Iranien d'une trentaine d'années, résume : “La montagne, la mer, le désert, les musées, le ski, la cuisine, chez nous, il y en a pour tous les goûts ! C’est donc avant tout une question d’image...”. Et le directeur de Clio de conclure : “il est évident que pour l’Iran, nos clients sont nos meilleurs ambassadeurs !”.
Quelques "bons tuyaux"...
- Avant le départ, pour tout renseignement, conseils de voyage, informations sur les visas, etc... contacter l'Office du Tourisme de l'Iran à Paris : tourisme.maisoniran@yahoo.fr ou rendez-vous sur www.tourisme-iran.fr
- Un voyage en Iran peut être une bonne occasion de tester l'hébergement chez l'habitant. Rien qu'à Téhéran, près de 10 000 personnes sont recensées sur le site CouchSurfing.org
- Si vous choisissez l'option "hôtel", à Chiraz, le Niayesh Boutique Hotel est incontournable. Caché au fond d'étroites ruelles, il marie à la perfection confort, tradition, et petit prix. L'établissement propose également des excursions très pratiques à Persépolis.
- Les distances étant parfois longues, mais les transports confortables, une autre bonne option peut être le train de nuit, en couchette. Similaire à ce que l'on trouve en France, mais à un prix dérisoire.
- L'erreur à ne pas commettre : la location de voiture. À vos risques et périls...
Source:http://marcbettinelli.blog.lemonde